Le processus de la CNV (Communication Non violente de MArshall B Rosenberg) s'apprend comme un processus (Observation - sentiments - besoins - demande) mais n'est pas un processus. Marshall B Rosenberg en a un jour parlé :
«Maintenant que nous venons de passer beaucoup de temps à réviser la forme de la Communication Nonviolente - ou de la langue girafe - et que nous avons vu comment elle s'organisait autour de la façon qu'on a de dire certaines choses, j'ai une mauvaise nouvelle pour vous :
La langue girafe n'est pas une langue !
En fait le processus a relativement peu de choses à voir avec les mots, il est universel et s'applique à toutes les cultures. Si donc vous compreniez la langue girafe, vous ne diriez pas : «C'est un langage que je ne peux pas employer là où je travaille», vous diriez plutôt quelque chose comme : «Comment puis-je arriver à faire circuler ce flot d'énergie là où je travaille ?» Il y a un mois, en Angleterre, j'ai reçu un cadeau magnifique : la photographie d'un tableau.
Ce tableau a été peint après que j'ai raconté l'histoire d'un dialogue que j’ai eu avec un fermier immigrant du Mexique. Si je m'étais adressé à lui, c'est parce que je l'avais vu vivre une danse girafe où il avait permis de façon exemplaire à ce flot d'énergie que je viens de mentionner, de circuler. Cet homme venait d'avoir une conversation avec une mère et son enfant de trois ans.
J'aurais voulu pouvoir filmer cette scène, parce qu'il y avait là un exemple parfait d'un échange girafe. Or pas un seul mot n'a été prononcé ! J'ai assisté à ce moment de communication extraordinaire alors que j'arrivais dans une salle d'attente d'une gare routière de San Francisco.
C'était une salle bondée, il y avait foule. Dès que j'ai pénétré dans cette salle d'attente, j'ai immédiatement perçu que quelque chose de merveilleux s'y déroulait. C'est dans le regard d'un enfant de trois ans, assis sur les genoux de sa mère, que je l'ai vu. J'ai regardé de l'autre de la pièce, pour voir ce qu'il regardait : c'était une orange. Cette orange était posée sur les genoux du fermier immigrant qui avait juste terminé son repas. Il venait de mettre les vieux papiers dans un cornet brun. Il était sur le point de commencer à peler son orange pour la manger. Il se trouve qu'il a levé les yeux et a croisé le regard de l'enfant.
L'enfant n'a pas dit: « Quand je vois ton orange, je me sens très affamé, et j'ai vraiment le besoin d'être nourri ; j'aimerais que tu me dises si par hasard tu serais d'accord de partager un morceau de ton orange avec moi juste maintenant ; naturellement, je ne voudrais pas que tu le fasses, à moins que tu puisses le faire avec joie ; s'il te plaît, abstiens-toi si, par hasard, il y a un peu de peur, de culpabilité ou de honte dans ta motivation ».Le garçonnet n'a rien dit de tout cela. Et en même temps il a dit tout cela... avec ses yeux.
Et quand ce fermier l'a compris, il n'a pas répondu: « Si je comprends bien, tu as faim ». Et néanmoins il l’a dit, avec son regard. Il s'est levé, il a marché en direction de l'enfant et a eu une magnifique conversation avec sa mère, non verbalement. Il ne lui a pas dit: « Quand je vois les yeux de ton enfant tournés vers moi, j'ai des sentiments mélangés : je ressens de la joie à la possibilité d'exercer ma générosité et, en même temps, je ressens aussi de l'appréhension, parce que j'aimerais être sûr que mon geste ne va pas contrarier tes projets concernant ce que tu veux faire manger à ton enfant aujourd'hui. Ainsi j'aimerais savoir si tu me donnes la permission de donner cette orange à ton fils ? »
Il n'a pas dit cela... et pourtant il l'a dit. Et la mère n'a pas répondu : « Je vois, au mouvement que tu fais avec ton orange, que tu tiens vraiment à l'offrir ». Elle n'a rien dit de tel... et pourtant si. Quand l'homme est arrivé devant l'enfant, il s'est incliné avec beaucoup de courtoisie, a embrassé l'orange et l'a tendue au petit garçon. Je dois dire que j'ai eu beaucoup de chance, car le seul siège resté libre dans cette salle d'attente, se trouvait à côté de celui de cet homme. Je me suis donc assis à côté de lui et lui ai dit: « J'ai été très touché de voir la façon dont vous avez donné votre orange à ce petit garçon ».
Je n'avais pas encore maîtrisé la langue girafe aussi bien que lui, les mots m'étaient encore nécessaires ! Il a été sensible au fait que je reconnaisse sa générosité. J'ai ajouté: « Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est la façon dont vous avez embrassé l'orange avant de lui la tendre ». Il a réfléchi un instant et il était très sérieux quand il m'a répondu: « J'ai presque 70 ans et s'il y a une chose que j'ai très bien apprise, c'est de ne jamais rien donner, à moins de le donner du plus profond de son coeur ».
Marshall B Rosenberg
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